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Monthly Archives: janvier 2009

C’est le printemps, peut-être le début de l’été. La fin de l’année scolaire, en tout cas. Je suis planquée au fond de la classe, et c’est sûrement un cours hautement inintéressant puisque je suis mollement occupée à rêvasser / divaguer, accompagnée d’un livre ouvert sur les genoux, et d’un stylo qui s’égare sur une feuille volante.

1991. 16 ans. Presque 17. Je ne suis plus vierge, mais je n’ai pas (du tout) saisi l’intérêt de la chose. Ma seule satisfaction est de m’être débarrassée de cette virginité encombrante et pataude. Mon séducteur n’est qu’un souvenir, au mieux amical au pire indifférent. Mais déjà, je me dis que j’ai mieux à faire dans la vie que de m’intéresser aux XY.

Devant moi, une forêt de dos avachis sur des pupitres. Il est sur ma gauche, en biais, deux rangs devant moi. J’ai su son prénom, mais je ne suis toujours pas certaine d’avoir jamais entendu le son de sa voix. Son visage est un flou absolu. Il fait partie des 32 personnes que je côtoie tous les jours depuis 10 mois, et des 30 auxquelles je ne trouve rien à dire depuis 10 mois. De cette indifférence polie engendrée par la contrainte de la collectivité.

Il fait chaud. Nous sommes bercés par le ronron du prof qui s’occupe tout seul là-bas sur son estrade, et toute la pièce est illuminée par le soleil qui se déverse par les immenses fenêtres qui donnent sur la cour.

Il porte un débardeur. Réflexion faite, je crois qu’il faisait partie de ceux qui s’agitaient régulièrement sous les paniers de basket. Rien à voir avec la mode de l’époque. Il n’est ni particulièrement grand, ni beau, ni musclé. De mémoire, des lunettes d’intello. Aucun signe distinctif. Juste, là, sous le soleil, il flamboie.

Mon regard est captivé par les ondoiements de ses cheveux : du cuivre et de l’or brut mêlés de quelques fils blancs déjà, du sucre roux et du blé mûr, de la cannelle parsemée de gingembre, de la terre battue rehaussée de boutons d’or… Il irradie et je suis subjuguée par la beauté des lueurs virevoltant dans ses cheveux. Mes yeux se repaissent de son épaule, et je sens quelque chose m’empoigner l’estomac, alors que je contemple sa peau laiteuse saupoudrée de sable et de son. J’imagine la douceur sur mes doigts de cette chair ferme mais tendre, je sens la délectation de mes paumes à souligner en un lent va et vient les courbes de ce bras et de cette épaule, je sens mes doigts enserrer légèrement cette étendue qui s’avérera sûrement charnue sous la pression. Ma gorge se serre alors que je cherche à deviner les contours de sa nuque sous le flou de ses cheveux. Mes yeux pénètrent millimètre par millimètre cette peau légèrement tendue sur les ligaments et les muscles qui recouvre l’attache délicate de la clavicule à la gorge, mes doigts soulignent la courbe de sa mâchoire avant de se perdre derrière l’oreille, dans le chaos de

 

Après, je ne sais plus. Un éclair, un vide, une explosion neuronale, une absence ? J’ai dû sursauter. Ma gorge est sèche, mon ventre noué, mon cœur m’assourdie de son battement à 400 à l’heure. Je suis complètement à la dérive. Perdue. Mon livre est tombé, et une quinzaine de regards embrumés par l’ennui me fixent avec reproche… Réveiller ainsi l’assemblée de sa torpeur…Je me recroqueville…

J’ai longtemps relégué ce souvenir dans les limbes de ma mémoire. Peut-être aussi longtemps qu’il m’aura fallu pour comprendre ce qui c’était passé concrètement ce jour là.

Sans visage, sans nom, sans voix, sans corps… C’est à toi, épaule d’opaline et de sable, que je dois mon premier orgasme.

Merci 🙂